Petit retour sur la 26e édition du salon du livre jeunesse de Montreuil
Et voilà, le rideau est tiré sur cette 26e édition du salon du livre et de la presse jeunesse (la 8e en ce qui nous concerne). Je ne reviendrai pas sur la polémique du placement gros / petits éditeurs que j’avais commentée suite à un courrier des lecteurs dans Télérama l’année dernière, mais la question reste entière.
Il est vrai qu’en ce qui nous concerne nous vivons une situation privilégiée : un stand mis en place et financé par la Région Pays de la Loire et un libraire (l’Atalante pour la 2e année) qui s’occupe de tout sur place. Merci à eux, car nous pouvons dans cette configuration nous concentrer à 100% sur les rencontres.
Un salon riche en rencontres.
C’est toujours un plaisir de mettre une voix, un visage, sur des personnes que l’on croise en ligne. Cette année encore, nous avons croisé des illustrateurs-trices que nous aurons peut-être le plaisir de vous faire découvrir à travers de prochains livres.
Il y a également ces rayons de soleil lorsqu’une bibliothécaire vient nous voir car de plus en plus de parents lui demandent nos livres, ou quand la responsable d’un salon souhaite nous inviter parce que des écoles lui en font la demande.
Comme nous le disons régulièrement : « si les livres que nous éditons ont une place, ils sauront la trouver ». Rien ne sert de forcer les ventes, de jouer à celui qui fera la plus grosse pile chez le libraire ou d’écraser le voisin à coup de publicités. Continuons à faire confiance au bouche à oreille.
Livres lost-costs ou livres locaux ?
Cette année encore, je me suis prêté à un petit jeu qui consiste à vérifier les lieux d’impression des ouvrages…
Et malheureusement, force est de constater que l’impression en Asie pour les albums reste bien ancrée chez de nombreux éditeurs jeunesse.
Je me suis permis d’engager la conversation avec certains d’entre eux (au risque de passer pour un extrémiste vert…). Les premières réponses sont généralement du type : « Mais je ne peux pas faire autrement ! » et « Arrêtez, ce n’est rien comparé à des industries comme l’automobile ». Puis souvent, la conversation glisse sur « la culpabilité que l’on essaie de faire porter aux citoyens ».
Une éditrice, m’a tout de même confié ne pas être fière d’imprimer à l’autre bout du monde, mais qu’elle n’avait pas d’autres solutions.
« Pas d’autres solutions ? » alors qu’elle a créé sa maison il y a moins de 4 ans et qu’elle pouvait inclure dès le départ dans les contraintes économiques de son projet une impression locale ?
Je peux tout à fait comprendre que des maisons qui tournent sur un business modèle bien huilé depuis 20 ou 30 ans aient des difficultés pour intégrer les contraintes environnementales, mais je reste pantois devant de jeunes maisons qui impriment la grande majorité de leurs albums à des milliers de kilomètres de leurs lieux de lecture.
Nous sommes à un moment de l’Histoire passionnant : nous n’avons jamais eu autant de moyens pour échanger l’information, pour faire circuler les idées. Nous avons la capacité technique et intellectuelle de repenser les schémas traditionnels. Alors pourquoi ne pas essayer de nouvelles pistes ? Pourquoi copier ce qui se fait « chez les grands » ?
Des lecteurs inconscients du problème.
Un rapide sondage auprès de quelques visiteurs m’a confirmé que seul un petit quart prêtait attention au lieu d’impression des ouvrages.
Cela me renforce pleinement dans ma conviction que les prescripteurs (journalistes, libraires, bibliothécaires) ont un rôle important à jouer en ce sens.
Par exemple, des journalistes pourraient tout à fait dire qu’à partir de ce jour ils ne chroniqueront en priorité que des albums imprimés en Europe.
Même chose pour les listes d’ouvrages recommandés par les bibliothécaires ou mis en avant dans les librairies.
Il ne s’agit pas de boycotter, mais de préférer. Une forme de discrimination positive en quelque sorte 😉
Journalistes, bloggueurs chroniqueurs, bibliothécaires, libraires : n’hésitez pas à réagir à cette idée en commentant ce billet.
Chacun peut être acteur du changement.
Oui, tout le monde, même vous auteurs et illustrateurs : rien ne vous empêche de stipuler dans votre contrat que vous souhaitez que l’ouvrage qui portera votre nom soit imprimé en France, ou tout au moins, en Europe sur des papiers labellisés ou recyclés.
Aujourd’hui, en tant qu’éditeur, nous en faisons un facteur de différentiation (« un + produit » diront les marketeux), mais mon souhait serait que cela n’en soit plus un d’ici à 5 ans.
Ceci dit, même si les albums imprimés en Asie restent majoritaires, les choses évoluent et les éditeurs jeunesse à la recherche d’une démarche environnementalement et socialement cohérente me semblent tout de même de plus en plus nombreux.
Aujourd’hui aucun outil pour les repérer, mais l’initiative mise en route par le collectif des éditeurs écolo-compatibles avec la charte en cours de finalisation devrait permettre de proposer une solution dans le courant de l’année 2011.